La bicyclette, un médicament efficace et économique

Article paru dans Le Monde et partagé par une adhérente de la Voix Vélo

La bicyclette, un médicament efficace et économique


DIX MILLE PAS ET PLUS


Sandrine Cabut

Les marchands de vélos pourraient-ils concurrencer les pharmaciens ? Une nouvelle étude française en atteste, la petite reine est un médicament très efficace pour prévenir des maladies chroniques et réduire la mortalité prématurée, avec des économies substantielles pour l’Assurance-maladie et la collectivité. Et, dans notre pays, il suffirait d’un report modal de 25 % des trajets courts de moins de 5 kilomètres de la voiture vers la bicyclette pour approximativement doubler les bénéfices, selon un travail coordonné par Kévin Jean, maître de conférences en épidémiologie au Conservatoire national des arts et métiers, et l’économiste Philippe Quirion, directeur de recherche au CNRS. L’article, sous presse dans la revue Lancet Regional Health Europe, est déjà accessible en preprint.

Il y a quelques mois, ils avaient montré qu’un développement modeste des deux moyens de transport actifs que sont le vélo et la marche pourrait prévenir 10 000 morts prématurées par an en France et générer 34 milliards d’économies, à partir de 2045. Cette fois, ils se sont attelés à estimer dans quelle mesure la bicyclette peut contribuer à la promotion de la santé dans un pays où sa pratique est limitée (proportion des trajets effectués à vélo inférieure à 3 %, quand elle est supérieure à 15 % au Danemark et aux Pays-Bas). Pour cela, ils sont partis de l’enquête « Mobilité des personnes » de 2019, dernière édition de cette étude décennale de l’Insee, menée auprès de 14 000 personnes.

Cette année-là, avant l’épidémie de Covid-19 donc, la distance moyenne parcourue quotidiennement à vélo s’élevait à 0,32 kilomètre chez les adultes de 20 à 89 ans, soit un temps moyen passé sur l’engin de 1 minute et 17 secondes, avec de gros écarts selon les tranches d’âge et le sexe. Précisions importantes : à tous les âges, la proportion de cyclistes était bien plus faible chez les femmes. Par ailleurs, en 2019, les vélos électriques ne représentaient que 6 % des kilomètres parcourus.

Prévenir 4 000 décès prématurés par an
Sur la base de ces pratiques modestes, l’équipe a calculé que ce sont tout de même près de 2 000 décès prématurés qui ont ainsi été évités cette année-là, et pas loin de 6 000 maladies chroniques. Au total, cinq pathologies (cancers du sein et du côlon, démence, diabète, maladies cardio-vasculaires), pour lesquelles il y a un lien très fort avec l’activité physique, ont été prises en compte. Celle avec le plus grand nombre de cas évités était le diabète de type 2 (3 743 cas), suivi par les pathologies cardio-vasculaires (1 578 cas).

Cela correspond à 191 millions d’euros d’économies en coûts médicaux directs (soins ambulatoires, hospitalisations et indemnités journalières). Le gain est 25 fois supérieur – 4,8 milliards d’euros – pour les coûts dits « intangibles » (valeur monétaire que la société attribue à une vie humaine ou à une année de vie), estiment même les chercheurs. Ramené aux 5 milliards de kilomètres parcourus à vélo en 2019, chaque kilomètre équivaut donc à environ 1 euro de coût de santé évité. En modélisant un report de 25 % des trajets de moins de 5 kilomètres de la voiture vers le vélo, ce sont annuellement 4 000 décès prématurés qui pourraient être prévenus, avec une économie de 2,6 milliards de coûts intangibles, auxquels s’ajoute une réduction non négligeable des émissions de CO2 (0,257 mégatonne).

Sachant que la pratique du vélo a bien augmenté depuis le Covid-19, du moins dans certaines villes, il y a de quoi être optimiste. Ces travaux donnent aussi un argument supplémentaire aux décideurs pour financer des pistes cyclables. « Créer des infrastructures cyclables, dont on sait qu’elles favorisent les pratiques, notamment chez les femmes, c’est une politique de santé publique », insiste Kévin Jean. Une façon aussi d’avancer vers la parité : dans cette étude, 75 % des bénéfices concernent les hommes.

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